On dit du tennis deux choses : premièrement, que c’est un sport qui rend fou ; deuxièmement, que c’est le sport de toute une vie. Pour le prouver, je me suis amusé à rassembler dans ma mémoire un florilège de phrases – toutes véridiques – entendues aux quatre coins des nombreux terrains de tennis que j’ai côtoyés au cours de mes 30 ans de pratique. Des phrases qui m’ont fait rire ou qui m’ont énervé, mais des phrases qui m’ont marqué. Je vous les livre ici brut de décoffrage, dans un sourire et avec un brin de nostalgie.
20. « Come on, boy ! » (entendu en : 1990*)
Bon, je commence soft. Rien d’exceptionnel à entendre ce genre de phrase sur un terrain étant donné qu’on le sait bien, tous les joueurs de tennis du monde sont polyglottes quand il s’agit de s’encourager. Il m’arrive moi-même de lâcher des vamos sonores. Mais j’ai une tendresse particulière pour ce « come on, boy ! » (le « boy » donne quand même une dimension supérieure au cri) hurlé à pleins poumons par un copain qui était aussi le frère de celui qui allait devenir mon futur beau-frère (vous suivez ?). Encore aujourd’hui, il m’arrive de le chambrer à propos de ce moment d’égarement qui m’a bien fait rire pendant des années entières.
19. « T’es 10 fois au-dessus, sérieux, arrête de jouer à la ba-balle avec lui ! » (2006)
Là, franchement, ce souvenir me fait moins sourire. Je joue en équipe face à un mec mieux classé que moi, mais je résiste bien. Le mec ne le supporte pas, il se montre particulièrement arrogant et multiplie les petites phrases bien sympathiques dont celle-ci qui me fait sortir de mes gonds. Ne supportant pas de jouer contre des abrutis, je deviens à mon tour très con, genre pour lui faire passer les balles quand il sert, je les lui bazarde ostensiblement du côté opposé où il se trouve. Mais au final, ce genre d’ambiance me fait passer l’envie de jouer. Le mec finit par me battre logiquement et je refuse de lui serrer la main à la fin, la seule fois de ma vie que ça m’est arrivé.
18. « Allez c’est bon, ça me saoule, je repars bosser » (2016)
Ça c’est tout récent, c’est l’une des pépites que m’a sorti le (supposé) père spirituel de Benoît Paire que j’ai eu le privilège d’affronter récemment pour mon come-back. Je le comprends, y’a des fois où franchement, on est bien moins frustré à se faire exploiter toute la journée pour pas un rond par des chefs vicieux et faux-cul, que de pas mettre un coup droit dans le terrain…
17. « Franchement pour jouer comme ça, j’aurais mieux fait de rester en boîte… »(1998)
Je joue la National Tennis Cup (alors appelée Nestea Cup), au Cap d’Agde, le fameux tournoi par classements. Là bas, c’est ambiance Club Med, tennis le jour, boîte de nuit le soir. Malgré tout, ils déconnent pas avec les horaires : match programmé à 8h30 ! Perso, j’ai été raisonnable en me couchant « seulement » à 2h du mat’, ce qui n’est visiblement pas le cas de mon adversaire qui a prolongé jusqu’à l’after, pour arriver directement sur le court sans passer par la case lit ! On dit qu’on joue parfois mieux, plus relâché, dans ces cas-là. Ce n’est pas son cas. Le mec n’en met pas une, il perd largement et rentre se coucher… ou pas, j’en sais rien au final. Mais il m’a bien fait rire.
16. « Même en dictée je fais pas autant de fautes ! » (1992)
Elle est mignonnette, non ? C’était un tournoi « minimes » et mon adversaire, qui était aussi dans ma classe, n’était pas vraiment doué ni pour le tennis, ni pour l’orthographe. Finalement, plus tard, il s’est mis au vélo et a opté pour une filière scientifique. Je n’ai plus de ses nouvelles, mais il a sûrement très bien fait.
15. « Va te faire enculer sur la lune ! » (1994)
A vrai dire, celle-là, je ne l’ai jamais vraiment comprise. Elle m’a tellement intriguée que je m’en rappelle encore et aujourd’hui, à l’heure d’écrire ces lignes, j’en cherche toujours la signification. Passe pour le « va te faire enculer », certes pas très distingué, mais somme toute très fréquent. Mais pourquoi « sur la lune » ? Aurait-il voulu dire « par la lune » ? Bon, là, je m’égare. Next…
14. « J’ai le cancer du coup droit. » (1999)
L’expression est sans doute assez usitée aujourd’hui mais à l’époque, elle était me semble-t-il assez nouvelle. En tout cas, je n l’avais jamais entendue. Et elle m’a bien fait rire, sur le moment en tout cas. Un peu moins quand le mec a fini par retrouver son coup droit au fil des jeux. La chimio pour coup droit, ça existe ?
13. « C’est plus du social que je fais, là… C’est Mère Térésa ! » (2003)
Celle-là, je l’avoue, je l’avais bien cherchée. J’étais en train de perdre contre un gars dont la tête (et le jeu) ne me revenait absolument pas, je jouais mal et comme en prime, à ce moment-là, j’étais en proie à quelques soucis d’ordre sentimentaux, j’étais particulièrement odieux sur le terrain. Sur l’une de mes énièmes fautes, j’avais lâché que « j’étais en train de faire du social à lui donner le match ». Classe, non ? Quelques minutes plus tard, après m’avoir offert un jeu entier, le mec avait bien répondu. Avec le recul, il avait raison et d’ailleurs, il avait finalement gagné. Justice…
12. « J’arrive pas à jouer sur ce court, il est trop petit pour moi. » (2001)
Ce n’était pas pendant l’un de mes matches mais celui d’un de mes coéquipiers, lors d’une rencontre par équipes disputée dans un petit club de campagne dont la salle était il est vrai particulièrement exigüe. Surtout pour un mec qui a l’habitude de planter sa tente 3 m derrière la ligne de fond et faire des gros ronds en fond de court. Exaspéré de taper dans la bâche du fond avec sa raquette, mon coéquipier a fini par lâcher cette phrase mythique qui me fait encore sourire.
11. « Je peux pas jouer, y’a un serpent au bord du court. » (1988)
C’était un de mes tout premiers tournois, dans mon club situé un peu à la campagne. Je jouais contre un copain du même club, en plein après-midi d’une chaude journée d’été. Au moment d’aller chercher une balle pour servir, je vois mon pote se figer littéralement près du grillage. Une énorme couleuvre se trouvait là, lovée dans un tas d’herbe, prête à bondir sur le court. On a passé 20 minutes à la regarder, à la fois effrayés et fascinés, quand soudain le juge-arbitre est arrivé pour nous demander pourquoi on avait arrêté de jouer. Mon adversaire lui a sorti cette réplique complètement surréaliste si on la prend hors contexte, et on a finalement terminé le match en salle.
10. « J’ai encore des relents des mojitos d’hier soir ! » (1999)
C’était là encore dans ma période étudiante, période durant laquelle il nous arrivait de « temps en temps » (si peu) de refaire le match le soir dans un bar. Au lendemain d’un de ces débrief’ festifs, je vais voir mon pote qui jouait en tournoi. Il galérait tellement que d’un coup, il s’est senti obligé de se tourner vers moi pour me hurler l’explication alcoolisée de ses mauvaises sensations. Comme si j’en étais le responsable…
9. « Sérieux, tu peux dire à ta gonzesse de la fermer ? Ça va mal finir là… » (2001)
Je jouais dans un sympathique petit tournoi un match ma foi plutôt sans histoire. En clair, je déroulais grave… Le spectacle était plutôt sur le court contigu où deux mecs hargneux et sanguins se livraient un combat sans merci. A un moment donné, les deux mecs commencent à s’embrouiller pour une banale histoire de balle litigieuse, quand la compagne de l’un des deux a la très mauvaise idée de vouloir donner son avis sur la trace. Malheureuse, faut jamais faire ça au tennis ! Il n’y a sans doute rien de plus horripilant. L’autre mec s’est énervé et j’ai presque envie de dire à juste titre, même s’il aurait pu rester plus mesuré dans ses propos.
8. « Si t’arrête pas ton cirque de suite, je te ramène chez ta mère ! » (1991)
Quand j’étais petit, j’avais un éternel rival, contre lequel j’ai dû jouer une bonne quinzaine de fois. Entre nous, l’ambiance était particulièrement électrique, d’abord parce que les matches étaient quasiment toujours très serrés mais en plus parce qu’on avait l’un comme l’autre des caractères de chien : c’était un peu Connors/McEnroe, quoi… Ses parents à lui étaient divorcés et, quand il jouait, c’était toujours son père qui l’emmenait. Sa mère, apparemment, n’était pas très branchée petite balle jaune. Un jour où nous étions particulièrement odieux sur le court, son père avait failli l’en virer en le menaçant – ses mots avaient dû dépasser ses paroles – de la ramener chez sa mère, une punition sans doute synonyme de privation de tennis. Quant au mien (de père), il avait déserté le terrain depuis longtemps, sans doute mort de honte…
7. « Il a une moulasse, même une vache elle en a pas une pareille ! » (1993)
Dans la catégorie « j’ai la grande classe quand je joue au tennis », le mec qui a proféré ce juron contre moi se posait-là. Que dire, sinon qu’il incarnait déjà, à 15 ans, la finesse à la française. Un vrai gentleman lover. Le George Cloney des terrains de tennis. Un peu plus tard dans le match, il en a sorti une autre qui m’a bien fait rire aussi et que j’ai hésité à mettre dans ce top : « Mais il a sucé le filet, ou quoi ?! »
6. « On peut remettre deux balles s’il te plaît, j’ai été ébloui par le soleil. » (1989)
Ce jour-là, mon adversaire avait une excuse. Non pas celle du soleil, mais le fait que l’on faisait lui comme moi nos premiers pas en compétition, enfin depuis quelques mois. Ebloui donc par l’astre solaire au moment d’enclencher sa première balle déjà bien faiblarde comme vous pouvez l’imaginer, le petit tricheur en formation a décrété que le règlement l’autorisait à remettre deux balles. Le pire, c’est que je l’ai cru. Et que j’ai perdu…
5. « Ça te dérange pas si j’en grille une ? (1997)
Voir des adversaire fumer juste avant ou juste après un match ne me choque pas (ou plus), je ne suis plus à ça près. En revanche, ce jour-là, ce mec m’a particulièrement épaté en sortant sa clope pendant un changement de côté, alors qu’on était dans un match assez serré. Bon prince, il m’a quand même demandé l’autorisation, alors qu’on jouait dehors. Je la lui ai accordée sans problème mais aujourd’hui, je me pose toujours la question : a-t-on le droit, oui ou non, de s’en griller une pendant un match de tennis ? Je ne suis pas sûr que les règlements aient prévu ce cas de figure.
4. « Va me chercher un verre de rhum, ça va me détendre… » (1995)
Celle-là, je ne l’avais jamais entendu avant, je ne l’ai plus jamais entendu après. Avec des potes de club, on avait l’habitude de se faire de temps en temps des « alcool-tennis », c’est-à-dire des petits matches loisirs pendant lesquels on buvait de l’alcool aux changement de côté (oui, bon, on s’amuse comme on peut). Et un jour de compétition par équipes, l’un de mes coéquipiers, ayant remarqué qu’un petit verre l’aidait à trouver du relâchement, m’a demandé de lui en servir un en plein changement de côté ! Je me suis exécuté, et il l’a bu d’un cul-sec. Je ne me souviens pas s’il a gagné ou perdu ce jour-là, mais je me rappelle bien de ce moment amusant qui a même fait marrer son adversaire.
3. « T’aurais pas une raquette en rab’ ? Je viens de péter ma deuxième… » (1992)
Ce souvenir me fait rire car il révèle bien la frousse que l’on avait, à cet âge (j’étais minime), de péter notre instrument de travail en sachant que derrière, on allait non seulement devoir le repayer au prix d’un an d’argent de poche, mais qu’en plus on allait devoir essuyer une sacrée engueulade. Je revois très bien mon adversaire me demander ça, la mine penaude, en chuchotant pour ne surtout pas que ses parents l’entendent. Visiblement, le garçon n’en était pas à son coup d’essai puisqu’il qu’il venait d’achever sa dernière raquette opérationnelle sur un magnifique lancer contre la bâche qui avait malencontreusement heurté le poteau de jointure du grillage. Discrètement, il avait fini le jeu comme si de rien n’était avant de me demander à l’aide au changement de côté. Je lui avais prêté une raquette, et il s’en était évidemment servi d’excuse à sa défaite qui a suivi.
2. « Toi le bouc, ta gueule ! » (1990)
Cette phrase-là représente un souvenir particulièrement amusant, car il est associé à l’un de mes plus « belles » victoires d’enfance. Mais il faut d’abord resituer le contexte. Je jouais contre la terreur du département, celui qui me mettait des roustes à chaque fois sans que je ne puisse y faire grand chose. Ce jour-là, je ne sais pas pourquoi mais il jouait beaucoup moins bien que d’habitude et je menais au score, chose qu’il ne pouvait supporter (je le comprends). L’environnement complet faisait les frais de sa colère : le terrain, le grillage, la bâche, les chaises, le filet… il balançait des balles, sa raquette ou des grands coups de pied dans tout se qui se présentait à lui ! A un moment donné, le président du club est (logiquement) venu lui passer un sermon en le menaçant de disqualification. Or, entre nous, on avait l’habitude de surnommer l’homme en question « le bouc » en raison de l’éternelle barbe en collier qu’il arborait. Ni une, ni deux, mon adversaire, furibard, lui a donc lâché cette réplique fantastique, avec l’insolence de ses 12 ans. Il a finalement échappé à la disqualification, mais pas à la défaite. Un an plus tard, il a complètement arrêté le tennis sous prétexte que ce sport le rendait fou. Dommage, il était doué… Mais fou.
1. « S’il est aussi mou au lit que sur un terrain de tennis, je plains sa copine… » (1996)
Celle-là est mythique et continue, plus de 20 ans plus tard, de me faire rire quand j’y repense. Impossible de me gourer dans la date et je peux même citer le jour précis : c’était celui de la victoire de l’équipe de France de coupe Davis en Suède. Ce jour-là, nous disputions une rencontre par équipes à l’extérieur et celle-ci avait très mal commencé : notre priorité, en arrivant, était de savoir si nos hôtes avaient une télé pour garder un œil sur les matches des Français. « Une télé, pour quoi faire ? On est là pour jouer ! », nous avait-on rétorqué. Ok, c’est bon esprit ici.
La rencontre a débuté et c’était aussi tendu que serré. On était au coude à coude alors que restait à finir le match des n°1. Celui de notre équipe, un jeune – à l’époque – de mon âge, était une belle armoire à glace, doué et puissant, mais du genre colérique (euphémisme). Rétrospectivement, il me fait penser à Andy Roddick. Et là, il jouait contre son exact contraire : un mec calme, cérébral, potentiellement bien moins fort que lui mais néanmoins mieux classé car beaucoup plus régulier et patient, distillant alternativement des balles molles, cotonneuses et vicieuses. Le genre de mec, avouons-le, assez énervant d’autant qu’il était doté d’un physique… original. Bon allez, disons-le, il avait une tête de con. Et notre n°1, lui, a perdu les pédales. Entre deux échanges, en allant récupérer sa serviette posée non loin de nous, il nous a glissé subrepticement cette phrase qui résonne encore dans mon esprit : « S’il est aussi mou au lit que sur un terrain de tennis, je plains vraiment sa copine… »
C’était déjà drôle en soi mais le plus drôle – et sans doute l’avait-il plus ou moins fait exprès –, c’est que ladite copine, qui était assise tout près de là, a évidemment tout entendu. Elle a commencé à s’énerver, nos adversaires s’en sont mêlés, le ton a dégénéré et il ne s’en est pas fallu de peu pour qu’on finisse la rencontre à la bagarre générale. Finalement, on a perdu mais on est reparti avec un bon souvenir, même s’il n’était pas très glorieux. Et on a pu suivre la victoire mythique d’Arnaud Boetsch sur Kulti dans un bar, sur la route du retour.
* Les dates sont issues de ma mémoire, il peut y avoir erreur à un ou deux ans près.
ahah c’est tres drole ! combien etiez vous classé ?
Je raconte ça dans les tout premiers articles de ce blog, rubrique « récits »
Excellent j’adore ! Continue comme ca je me retrouve bien dans l’esprit de ton site. Kaelin de 15lovetennis.
Là numéro 5 est mythique, en la lisant je me suis encore dit « merde mais ce mec me connaît c’est pas possible » ! 😂😂😂 l’ayant fait moi même sur un match en perf contre un gamin de 14 ans….je confirme c’est déstabilisant 😎
Sinon une petite contribution personnelle : récemment sur un match de championnat + 35 un peu tendu conte un joueur qui avait tout misé sur la tactique du jeu mou et Defense de fer, je me suis lâché sur un « purée ma mère elle joue plus vite que ça » 😂😂
Énorme !
Merci pour le partage, ça m’a bien fait rire 🙂
Le coup de la clope est génial c’est clair.
à propos de la n°5 : Karsten Braasch, 1997, match contre Serena Williams, à la suite de quoi l’ATP aurait introduit une règle pour interdire de fumer aux changements de côté. Braasch aurait déclaré après le match (gagné 6-1) qu’il avait la gueule de bois, donc ce match mérite à plus d’un titre de figurer dans ce palmarès. Braasch lui-même mériterait d’être divinisé sur ce site, à côté de Benoît Paire : il servait en sautant, mais frappait la balle pas plus haut que son oreille, à la Conchita Martinez.
Sinon, entendu au ping : « mais je me fais enculer par un chevreuil !!! » (magnifique avec l’accent catalan, mais il a quand même comparé son adversaire à un animal dont le nom contient « chèvre »)
Le tennis et le tennis de table ne sont pas cousins pour rien ! Merci pour cette anecdote et cette phrase mythiques. Je les garde en tête…
j’ai eu le droit sur le court d’a cote en finale du championnat de france par equipe +35 à un « va te faire sodomiser par une pucelle avec un gode ceinture »
l’arbitre lui met un avertissement et le joueur retorque : »pourquoi vous me mettez un avertissement ? je n’ai pas dit de grossièreté j’ai ditt sodomiser et puis j’ai bien le droit de me faire enculer. » (de memoire)
l’arbitre plein de mauvaise foi lui a laissé son avertissement !
c’était évidemment le simple 1 entre 2 ex 1res encore negat à l’époque pour avoir un niveau de langage pareil et ca a fait exploser de rire les 2 équipes et même moi qui me prenait une rouste et n’en mettait pas une