Tous les clubs de France et de Navarre connaissent bien ce boulet qui leur plombent chaque année les matches par équipes. Bon ben cette fois, le boulet, c’était moi. Et le pire, c’est que j’ai fait un bon match…
Niveau de compétition : 2è journée de championnat Régionale 1.
Classement adverse : 15/1 (ex-3/6 😭).
Surface : Accélérateur de particules.
Sensations : Celles de peser autant sur le jeu qu’un tétraplégique ligoté face à un tir d’artillerie.
Magnitude d’énervement sur l’échelle de Benoît Paire : 3/10.
Comme tout le monde, j’ai toujours adoré les Interclubs du dimanche. C’est juste que, depuis que ma carrière tennistique s’est mue en carrière de bon père de famille, et n’ayant pas comme Federer cinq nounous à disposition pour m’accompagner sur chacun de mes déplacements, j’avais, le pensais-je, fait une croix dessus depuis longtemps. Plus le temps. Néanmoins, le souvenir de ces guerres de clochers dominicales, ces matches à rallonge passées à limer pendant trois heures pour tenter d’accrocher un double décisif, ces engueulades viriles avec les adversaires – ces bouseux du patelin d’à-côté – pour une balle litigieuse, ces « vamos » hurlés à pleins poumons au moment où la bimbo du club passe à proximité (alors qu’on perd 6/2, 3-0…), les cafés-croissants chauds du matin, les arrivées sur le terrain à moitié bourré, les barbecues du midi pour refaire le match avec des adversaires finalement pas si cons que ça (surtout après deux Ricard), les calculs interminables pour savoir si, oui ou non, on va pouvoir arracher la montée, bref le souvenir de toutes ces petites choses qui font le sel du tennis amateur, ne m’avait jamais vraiment abandonné.
Aussi, quand l’un des responsables de mon club (le même qui m’avait fait, quelques semaines plus tôt, le coup de l’abandon téléphoné) m’avait demandé si ça pouvait m’intéresser de jouer quelques matches par équipes cette année, j’avais répondu avec enthousiasme, sans réfléchir, probablement conditionné par le réflexe de Pavlov : « Oui, bien sûr ! » Que n’avais-je pas dit…
Le TC Boutdumonde est à 1h45 de route. Non merci…
En réalité, j’avais lancé ça comme ça, à la légère, sans vraiment penser aux conséquences. Mais je ne pensais pas que le club allait VRAIMENT m’appeler, non seulement pour jouer mais en plus en équipe 1, suite à une épidémie de flemmingite aigüe qui avait soudainement frappé mes prétendus équipiers, si tant est que je puisse les appeler ainsi puisque je n’en connais pas un seul dans ce club que je ne fréquente que depuis l’an dernier.
Bref, l’autre jour, je reçois donc un texto me demandant de jouer les pompiers de service, à deux jours de l’échéance :
- « Salut, tu serais dispo pour jouer ce week-end ? »
- « Euh, honnêtement je préfèrerais pas, ou alors vraiment s’il faut dépanner ! »
- « Ah merci, merci, tu me sauves ! Ah oui, au fait, vous jouez au TC Boutdumonde. RDV sur le parking du club à 6h. A dimanche ! »
Après le coup de l’abandon téléphoné, le coup du texto « je te force à peine la main »… Agacé, je jette un rapide coup d’œil sur Google Map. Le TC Boutdumonde est à 1h45 de route. Faut sacrifier mon dimanche, quoi. Femme n’est pas prévenue. Ça sent l’embrouille. Là-dessus, nouveau texto :
- « Stp, tu peux confirmer vite que je prévienne les autres ? »
Là, clairement, cette méthode fascisante me saoule. En plus, faut que je remette le contexte. Depuis deux mois, je ne joue quasiment pas. Je m’accorde l’une de mes traditionnelles cures de sevrage, afin de préserver mon cerveau des dommages collatéraux de ce sport. Et, profitant de cette période « off », j’avais entrepris de procéder à un changement que j’avais en tête depuis un bout de temps : le passage au revers à une main. Mais « soft » la transition, hein ! Je me contente de mon entraînement hebdomadaire d’une heure et quart avec les papys 4ème série de mon club. Avec eux, la balle revient si lentement que je pourrais bien me contenter d’un revers à trois doigts (et les deux autres dans le nez) s’il le fallait. Mais en match, surtout en équipe 1 ? Non, pas possible. Je suis pas prêt. Je cours au casse-pipe. Pas envie de me taper trois heures de route, foutre un dimanche en l’air et risquer l’embrouille conjugale, tout cela pour prendre la branlée du siècle et jouer les roues de secours auprès de mecs que je ne connais ni d’Eve, ni d’Adam !
Nonobstant le (très) vague engagement que j’avais pris, je décide donc de sortir un coup fourré. Vite, vite, une excuse ! Alors le mieux, dans ces cas-là, c’est la blessure. Mais quelle blessure ? Une entorse ? Pas possible, je cours tous les jours en ce moment, y’a bien un connard du club qui a dû me voir passer en ville. L’épaule ? Ah oui c’est bien, ça, l’épaule ! Ça n’empêche pas de courir, c’est crédible et en plus, ça fait le mec qui a un gros service. Bon ben j’vais prendre ça (Coluche) !
Et ni une ni, deux, mon texto de réponse file :
- « Désolé, je ne pourrais pas dimanche, bla-bla-bla, bla-bla-bla… »
N’est-ce pas une belle attitude de troll, ça ?
Vu la réponse sèche à laquelle j’ai eu droit en retour, je pensais être black-listé pour de bon. Mais non. Une semaine après, nouvelle missive :
- « Ouais, euh…, finalement, on aurait encore besoin de toi, cette fois pour une rencontre à domicile. Trucmuche s’est démis l’épaule en faisant du roller, bidule s’est tordu le genou en jouant au foot… »
Je me marre intérieurement. On dirait que je suis loin d’être le roi des excuses bidons dans ce club ! C’est le branle-bas de combat. En gros, me fait-on comprendre, soit je joue, soit l’équipe est forfait. A moins d’aligner le gros Robert, 30/4… Mais vu sa corpulence, il rentrerait même pas sur la feuille de match. Bon, allez… Je prends une profonde respiration, je m’échauffe les doigts et je m’élance :
- « C’est Ok pour dimanche. »
Euh, chérie, j’ai un truc à te dire… Oh mais dis donc, elle te va vachement bien, cette petite tunique blanche !
9h du mat’, le coup de la vanne…
Jour J. Deux réveils n’ont pas été de trop pour me tirer du lit. Envolée, ma seule grasse matinée possible de la semaine. Sérieux, mais qu’est-ce qui m’a pris de me fourrer tout seul dans un pétrin pareil ? Avec mon revers en champ de ruines ? Tout en beurrant mes tartines, je comprends mieux, maintenant, pourquoi ça fait 12 ans que je n’ai pas joué un match par équipes. Mais bon, y’a plus le choix, il faut y aller. Au moment où j’arrive au club, un parfait inconnu m’ouvre :
- « Salut, t’as pas eu trop de mal à trouver ? »
- « Euh, en fait, je suis du club, je joue dans ton équipe… »
Elle va être longue, cette rencontre…
Dans une ambiance un peu tendue, monacale, à mi-chemin entre l’intense concentration et la sieste prolongée, nous prenons chacun nos marques autour d’un café sans sucre au goût d’eau de javel, la faute à une cafetière hors d’âge qui n’a probablement pas été sortie depuis la précédente rencontre au club, il y a un an. Peu à peu, tout le monde arrive. Sauf un, notre n°1. Qui, apparemment, est coutumier des pannes de réveil. Pour détendre l’atmosphère, je tente une vanne :
- « Il a probablement voulu prendre le café chez lui avant, on peut le comprendre ! C’est pas terrible du Canard WC avant de jouer… »
Une réponse fuse :
- « C’est vrai qu’il est toujours à la bourre, mais au moins il est toujours là, LUI ! »
Ok, je me rendors…
Au loin, « ils » arrivent, beaux comme des Dieux…
Et pile au moment où j’allais piquer du nez sur ma chaise de bar, une vision furtive me fait me redresser d’un bond. Je relève la tête et je LES aperçois. Au loin, « ils » arrivent, grands, forts, droits comme des « i », fiers comme des bar-tabac (Coluche toujours), beaux comme des Dieux, assortis dans leur tenue foncée, tels quatre Men-in-Black en mission. Ce sont nos adversaires. Aïe. Là, j’ai peur. J’ai beau être matinal, j’ai peur.
Les quatre Blues Brothers rentrent. L’un d’eux prend de suite les choses en main. Il mesure plus d’1,90 m, typé asiatique, casquette vissée sur la tête. Il ressemble à Mark Landers, le rival d’Olive&Tom. D’un air qui ne souffre d’aucune contestation possible, il lance à ses coéquipiers :
- « Les gars, sortez vos licences, svp ! »
Ok, lui, c’est le boss. Le « capt’ain ». Il faut l’éviter. J’ai une chance sur quatre. La suite, vous la devinez…
Les mecs sortent leurs licences : 15, 15, 15/1, 15/1. C’est ce que je craignais : on m’a envoyé au casse-pipe. Nous, c’est 15/3, 15/3, 15/4, 15/4. On a à peu près autant de chances de gagner que les touristes des Herbiers contre le PSG en finale de coupe de France. Je me sens de moins en moins à ma place. En plus, la FFT m’ayant récemment accordé une (généreuse) promotion à 15/4, je ne suis plus obligatoirement le n°4 de l’équipe. Et quand notre capitaine nous demande, à l’autre 15/4 et à moi-même, lequel de nous deux préfère jouer en n°4, d’un commun accord, « l’autre » décide d’un commun accord avec lui-même que ce sera lui. Je ne suis pas en position de contester… Moi qui avait dit à ma femme que je jouais mon match à 9h et que je me cassais – « troll attitude » jusqu’au bout -, il va me falloir revoir mes plans : en tant que n°3, je vais devoir jouer en deuxième rotation.
Arrive le cérémonial moment du remplissage de la feuille de match. Au moment de coucher le nom de mon futur adversaire, mon capitaine éclate de rire. Très rassurant, il me lance :
- « Ouh là, toi, tu vas te faire plier ! Je le connais, c’est un ancien 3/6. C’est le grand, là-bas… »
Te casse pas, j’ai compris. Le croisé John Isner/Kei Nishikori, c’est pour moi…
Bon, revers à deux mains ou revers à une main ?
En attendant ma correction, je vais donc jouer le rôle de supporter, et même de coach, auprès de joueurs que je n’ai jamais vus. Sur le banc, aux changements de côté, ma position est inconfortable. Je ne suis pas vraiment bien placé pour donner des conseils, mais je ne peux pas non plus me désintéresser totalement. J’opte donc pour un comportement à la Chamil Tarpischev. A la fois concentré et faussement détaché. Pas plus de trois phrases à chaque changement de côté. Les mots doivent faire mouche dans la tête du joueur, sans pour autant lui polluer l’esprit. Bon, visiblement, ça marche pas. Le joueur que je suis censé assister prend une tôle. Dans l’autre salle, notre n°2 aussi. En à peine une heure, nous voilà mené 2-0. Point positif : je vais jouer tôt.
C’est bientôt à moi, donc. En allant chercher ma raquette au club-house, je tombe sur John Nishikori, en train de faire des étirements à la Jackie Chan. Mais comment il fait ça, lui ??? Je vais me faire E-CLA-TER ! Allez, je vais courir 5 minutes, ça va peut-être l’impressionner aussi (rires). Pendant ces dernières minutes de liberté avant la grande boucherie, je m’interroge : est-ce que c’est vraiment le bon jour pour inaugurer mon nouveau revers à une main (re-rires) ? Est-ce que je ne devrais pas revenir à deux mains juste pour aujourd’hui ?
Arrive le moment fatidique où, à l’échauffement, je vois une balle prendre la direction de mon revers. A ce moment-là, je n’ai toujours pas pris ma décision. Vu qu’il ne me reste plus qu’une fraction de seconde, je vais donc laisser faire mon instinct : ce sera revers à une main… Enfin, une parodie de revers à une main. Car si le cerveau a parlé, le corps, lui, n’a pas suivi. Tétanisé par l’enjeu et le contexte qui viennent révéler les failles béantes de ma technique de béotien sur ce nouveau geste que je maîtrise autant que l’histoire de la mécanique quantique, ma balle s’écrase directement sur la pub’ pour la charcuterie Morin placardée sur la bâche. Ok, ce sera du « chip » pour le tout le reste du match. Echauffement compris…
Surtout, éviter le vélo
L’ironie de l’histoire est que mon adversaire, tout ancien 3/6 soit-il, s’embrouille lui aussi dans son revers qu’il frappe tantôt à une main, tantôt à deux mains. Je me dis que ça doit cacher une faiblesse mentale. Johnishikori n’en montre rien. Sûr de son fait, ultra-décontracté, il gagne le toss et me laisse servir. A cet instant, comme à chaque fois que je joue un mec beaucoup plus fort, ma seule préoccupation est d’éviter le 6/0, 6/0, le principal fait d’armes de ma carrière, dois-je le rappeler, étant de n’être jamais rentré en vélo de toute ma vie. Sachant que j’ai hérité de la salle ultra-rapide, je me dis que ma seule chance de grappiller un jeu ou deux jeux passe par le fait de frapper sur tout ce qui bouge. On sait jamais, sur un malentendu, ça peut marcher (5 minutes). Mais là, évidemment, dans ce premier jeu, pas une première ! Les sensations sont pourtant bonnes, mais je suis tendu. En 1 minute, me voilà breaké blanc. Mon adversaire se marre avec ses équipiers au changement de côté. Moi, j’ai envie de pleurer…
A lui de servir. Première balle. A l’échauffement, il y a été soft. Là, d’entrée, il me décoche une ogive qui doit bien frôler les 190 km/h. Ace ! Et oh, c’est règlementaire, ça ? J’étais pas prêt, moi ! Dans les bas-fonds tennistiques que je côtoie habituellement, la 1ère balle ne dépasse jamais les 135 km/h. Et l’ostrogoth remet ça au point suivant : 1-0, 30-0, j’ai toujours pas marqué le moindre point ! Ni touché la moindre balle, pour ainsi dire. Au moins, à ce rythme, ça devrait pas trop me bouffer mon dimanche.
Une volée de coup droit aussi superbe qu’involontaire
Heureusement, mon adversaire rate alors enfin sa première balle. Fait encore plus improbable, je lui décoche un retour de coup droit croisé gagnant. Avec beaucoup de réussite certes, mais on s’en fout. J’ai dû faire un semblant d’illusion car Johny devient d’un coup un peu moins « good ». Je le pousse aux égalités dans ce premier jeu de retour, que je perds néanmoins (2-0). Mais, au jeu suivant, c’est la bonne : 1 ou 2 premières balles frappées en fermant les yeux, 2 ou 3 fautes directes adverses et c’est avec un soulagement non dissimulé que je vois un ultime coup droit échouer au-delà de la ligne. Libéré, délivré ! Je ne rentrerai pas en vélo. J’ose un timide serrage de poing. Ridicule.
Au moins, maintenant, je peux jouer relâché. Du coup, je commence à jouer vraiment pas mal. Le jeu de mon adversaire m’y aide aussi. Tout en deux frappes ! Boom au service, boom en coup droit. Aucun revers, par contre. En fait, c’est moi en dix fois plus puissant. Honnêtement, j’ai jamais joué contre un mec capable de frapper aussi fort. Je suis régulièrement à 4 m, et pourtant, je suis en cannes en ce moment ! Mais le gros avantage face à ce type de joueur, c’est qu’il n’y a aucune question à se poser. Vraiment pas le temps pour la gamberge. Il faut juste se mettre dans la peau d’un gardien de but face au tireur du penalty, choisir un côté, et remettre la balle, de préférence mollement sur son revers. Quant à mon « revers », pas de prise de tête : je n’ai pas d’autre option possible que de le « chiper ». Et c’est beaucoup mieux ainsi.
Kei rit John, cette fois…
Bien que mené 3-1, je suis donc plutôt rassuré par ce début de match, par mes sensations, par le fait que mon adversaire, que je prenais pour Roger Federer, peut lui aussi faire quelques fautes et même s’énerver. Porté par cet élan favorable, je parviens, ô miracle, à le débreaker pour revenir à 3-3 !
Tout à mon euphorie, j’aligne un 3è jeu d’affilée pour mener 4-3. Portés par je ne sais quelle grâce, mon service et mon coup droit claquent plutôt bien et, depuis le premier jeu, je ne suis plus inquiété sur mes engagements. Alors que mon match avait débuté dans un désert proche de celui de Gobie, quelques membres du club commencent à affluer dans la salle, intrigué par ce semblant de résistance inattendu. Y’a même les gonzesses de mes partenaires. Pour les impressionner, je garde la tête haute, gonfle mes pectoraux inexistants, prend l’air profond et inspiré entre les échanges, comme investi d’une mission suprême. Tout est en place pour l’orgasme suprême.
Celui-ci survient à 4-4, 40-30 en ma faveur. Je décoche alors une terrible 1ère balle (enfin, que j’imagine comme telle) et, constatant les dégâts inattendus causés par celle-ci, me précipite au filet pour cueillir l’offrande que vient de m’adresser mon adversaire en guise de retour. J’arme ma volée de coup droit. Je la visualise croisée. Bon, elle ripe de mon tamis et vient se loger dans l’angle opposée de celui que je visais, prenant ainsi une trajectoire certes involontaire, mais parfaite. Et gagnante. 5-4 pour moi, sur mon premier service-volée gagnant de l’année 2018. Je serre le poing, enlève la 2è balle de ma poche et l’expédie négligemment vers le fond de court, tout en soufflant sur ma mèche de cheveux. Mon expression du visage, elle, ne bouge pas. Genre, c’est normal. Je déroule sur mon service et c’est normal. Je regagne ma chaise sous les applaudissements. C’est mon heure de gloire. L’orgasme suprême. Le problème de l’orgasme, c’est que c’est aussi le début de la descente…
Je jette un coup d’œil à mon adversaire au changement de côté : Kei rit John, cette fois (vous l’avez ?). Il semble préoccupé. Il peut craquer, me dis-je en me levant prestement. Limite si je sprinte pas pour regagner la ligne de fond de court, façon Rafa. Malheureusement, trois services et un coup droit gagnants viennent de suite calmer mon délire. 5-5. Mes rêves de hold-up sur ce 1er set n’auront pas duré plus de 30 secondes. Et derrière, ce qui devait arriver arriva : je perds mon service, puis le set (7-5). Isner a passé ses nerfs. Sur moi.
Je crois que Femme est un peu énervée…
Fin du game ? Pas tout à fait. Je poursuis mon honorable résistance dans le 2è set, bien aidé par mon adversaire qui joue un peu en dilettante tant que l’heure n’est pas trop grave. Du coup, je continue de faire la course en tête, jusqu’à 3-2. A ce moment-là, j’ai une très mauvaise idée. Celle de prendre mon portable au changement de côté pour prévenir Femme que je serai « peut-être » « un peu » en retard pour le traditionnel repas de famille dominical. Or, Femme a déjà dû comprendre si j’en juge les 2 ou 3 messages inquiets que je découvre, sur le thème « où en es-tu » ?
Ou j’en suis ? Eh bien, à essayer de continuer à faire croire à un mec trois fois plus fort que moi que mon service est une citadelle imprenable. 40-15, ça va encore le faire. Tiens, un retour qui m’arrive en chandelle sur le coup droit ! Allez, je peux m’autoriser une petite fantaisie. Me prenant pour Caroline Garcia, j’opte pour une volée de coup droit liftée dénuée de tout sens commun, qui aurait pu s’avérer spectaculaire si elle ne s’était pas écrasée dans le bas du filet. Bon, 40-30, il m’en reste une. A croire que je suis un peu maso, je tente cette fois une Nick Kyrgios. Une 2ème balle lâchée de toutes mes forces. Sur le T. Enfin, sur le T du fond de court. Trois mètres dehors. Je voulais épater la galerie, bonjour la galère ! Le mec a flairé la faille. Il serre le jeu et me breake. Mais quel con !, m’insulte-je à voix haute en regagnant ma chaise, tout en maugréant intérieurement Femme d’avoir été la cause, par ses textos, de cet intempestif moment de déconcentration (la mauvaise foi suprême !). Nishikori, lui, re-rit.
Troll d’or pour finir en beauté
Si j’ai encore un micro-espoir au fond de moi, celui-ci sera vite balayé : je ne marquerai plus un seul point sur les deux derniers jeux de service de mon adversaire ! L’espace d’un instant m’est venue l’idée folle que ce dernier pouvait vaciller au moment de servir pour le match. Mais ça, c’est parce que je traîne trop en queue de 3è série. Tu parles ! Le mec, désormais, est une machine. A 5-4, il me sort quatre premières balles, quatre bombes atomiques. J’ai le mérite de les remettre dans le court (enfin, dans le carré) mais derrière, je me fais punir par trois coups droits gagnants et un smash pour finir. Jeu, set et match. La perf’ de ma vie n’est pas encore pour aujourd’hui.
C’est quand même incroyable cette faculté, chez moi, à élever mon niveau juste EN-DESSOUS de celui de mon adversaire. Cela dit, je n’ai pas à rougir. Au final, je suis celui de l’équipe qui aura le mieux résisté. Mais je n’ai pas vraiment le temps de savourer mon plaisir. Il est 12h30, l’heure à laquelle est censé débuter notre repas dominical. Aussi, lorsque mes partenaires m’invitent à regagner le club-house pour le repas de l’amitié, je suis bien obligé de décliner, en bon troll. Mais je n’ai pas le choix, si je veux préserver mon couple. Femme est un peu énervée, je le sens. Penaud, je rentre la raquette entre les jambes. En arrivant, j’aurais droit à un accueil iceborgien. Merde, j’ai quasiment réalisé l’exploit du siècle et tout le monde s’en fout, dans cette baraque ! Et en plus, cette fois, c’est sûr, je vais être black-listé par mon club. Filer à l’anglaise au moment du barbecue, c’est probablement la goutte d’eau qui aura fait déborder le vase. Oh, tiens un texto :
- « Salut, tu peux rejouer dimanche prochain ? »
A ce jour, je n’ai pas encore répondu…
Résultat : défaite 7/5, 6/4
Ca fait plaisir de te relire à nouveau, ca me manquait tes aventures tennistiques !!!!
Félicitations pour ton match malgré la défaite ^^
Bon courage pour dimanche prochain, moi j’ai fini celui là 😉
Haha ! J’ai l’impression qu’on pourrait échanger nos femmes.
Mon seul espoir : donner le virus à mon fils de 6 ans pour rééquilibrer les forces familiales. Ainsi, le dimanche il n’y aura plus d’excuse pour ne pas aller au club faire des matchs, c’est pour le petit… 😉
Encore une excellente tranche de vie du joueur de tennis du dimanche.
Ça me renvoie à plein de trucs, surtout depuis que je gère moi même une équipe du club, des mecs qui refusent de jouer sur un terrain extérieur, à ceux qui doivent absolument jouer en premier parce qu’il reçoivent belle maman à midi… Ceux qui râlent qu’ils ne jouent jamais ou qui jouent trop, et qui t’appellent tard le soir pour te le dire…en passant par la maladie subite du joueur qui vient de percuter que le match du lendemain est à 100 bornes de chez lui. Nous aussi on joue parfois contre le TC Bout du Monde et leurs deux pauvres quicks découverts.. !.
Ca me rappelle surtout mon premier match par équipe avec mon nouveau club, à l’extérieur, quand Je me suis mêlé tranquillement au groupe de joueurs qui attendaient, avant qu’ils me disent en rigolant: : ah non, nous on est l’équipe adverse, c’est nous qui vous recevons. Toi c’est là bas, avec tes coéquipiers, tu les reconnais pas ?
Si on voulait afficher une certaine cohésion d’équipe, ça commençait mal !