Ce moment où… tu casses une corde

 

Ça t’arrive à peu près aussi souvent que de frapper un ace en match officiel, mais ça t’arrive : casser une corde est un fait de jeu inévitable quand tu joues au tennis au compétition. Dans ces cas-là, tu peux toujours y aller au bluff et réclamer un « let » à ton adversaire comme un escroc me l’a scandaleusement proposé un jour. La plupart du temps, voici plutôt comment tu réagis…

 

C’est arrivé sans prévenir, au beau milieu d’un échange, alors que pour une fois, tu avais eu le sentiment de plutôt bien traverser la balle. D’un coup : « chtiiiiiiing » !!! Le bruit caractéristique de la corde qui pète… Là, tu as la réaction aussi classique que ridicule du joueur qui vient de casser une corde : tu prends ta prise tapette à mouche, tu te places en marchant et tu envoies tranquillement une espèce de vieux moonball « sclifté » au milieu du court, à la Jean Borotra, derrière lequel tu te lances à l’abordage du filet avec la foi et l’innocence candides d’une donzelle effarouchée prise au milieu d’une meute de loups affamés. Une montée en slip à montrer dans toutes les écoles djihadistes de formation des kamikazes.

Evidemment ça ne rate pas : tu te fais trouer par un passing. Ta tentative de bluff s’est avérée aussi inesthétique qu’inefficace. C’était surtout complètement con puisqu’à ton niveau, je te l’assure, tu aurais pu frapper 3 ou 4 fois de plus sans que ta corde cassée n’ait la moindre incidence sur ta « qualité » de balle. Mais bien sûr, ça fait beaucoup plus stylé de perdre le point avec panache.

 

Ton plan de jeu après avoir cassé une corde…

 

Pour une fois, donc, tu n’es pas trop énervé par la perte de ce point. Juste un brin frustré de constater qu’une fois encore, la corde cassée est excentrée en haut à gauche du cadre, preuve irréfutable de ton incapacité chronique à bien centrer. Mais à part ça, tu ressens une pointe d’auto-satisfaction, voire de fierté, au fond de toi. Tu regardes ton cadre d’un air blasé, genre tout est normal, un peu le regard de Kylian Mbappé qui plante un but à l’OM. Puis tu vas poser ostentatoirement ta raquette sur ton banc, tel un trophée, avant de sortir l’autre de son fuseau, non sans omettre d’en checker la tension en tapotant le cadre trois ou quatre fois sur la paume de ta main. Avant d’aller te replacer en trottinant. L’instant est religieux.

 

Quand tu es tellement fier de casser une corde que t’en fais une vidéo sur Youtube….

 

C’est que casser une corde, ça n’arrive pas à n’importe qui ! Quand on y réfléchit, c’est quand même LE critère qui sépare le vrai tennisman du joueur du dimanche. Toi-même, bien que tu aies évidemment les deux raquettes « obligatoires » au fond de ton sac, ça t’arrive rarement, en fait. La plupart du temps, tu fais recorder avant même de casser. Parce que, malgré les films que tu te fais dans ta tête, tu mets tellement peu de lift dans la balle que ton cordage a largement le temps de se détendre avant de casser. Or, tu ne supportes pas de ressentir la moindre baisse de tension. C’est psychologique. Un demi-kilo en moins, et tu as l’impression que ta raquette se transforme en arbalète. Mais comme tu n’assumes pas complètement, eh bien tu coupes le cordage avant de l’emmener dans ton magasin spécialisé.

 

Ton ratio : deux cordages cassés par an. Ratio de Pete Sampras : quatre cordages cassés par match.

 

Là-bas, au moment d’annoncer la tension souhaitée, tu ne dis jamais un chiffre unique. Ça, c’est réservé aux touristes qui n’y connaissent rien. Toi, il te faut une double tension. 24-25, s’il vous plaît ! Euh… Non, 25-24, pardon. Ah, merde. Tu sais plus. Tu te rappelles jamais, putain. Le premier chiffre, c’est celui des montants ou des travers (Ndlr : des montants) ? Et c’est lesquels qui gèrent la puissance (Ndlr : les montants aussi, bordel !!) ?  Bon, tu as quand même un moyen mémo-technique : tu sais que les cordes qui sont généralement le plus tendues sont les plus longues. En l’occurrence, les montants.

Quand tu reviens trois jours plus tard, tu dois t’arracher une couille pour payer la pose. C’est le moment où tu te dis que la prochaine fois, promis, tu achèteras une machine à corder. Sauf que trois mois plus tard, tu n’as toujours pas cassé et tu te demandes si ça vaut bien l’investissement… Sur ces belles pensées, tu inspectes ton tamis en écartant les cordes pour mesurer la profondeur du sillon creusé dans le polyester. Bon, quand est-ce qu’il casse, ce putain de cordage ?

 

Casser une corde sans t’en apercevoir, voilà un truc qui ne pourrait jamais t’arriver. Sauf si tu te mets à manger les mêmes champignons hallucinogènes que Djokovic.

2 thoughts on “Ce moment où… tu casses une corde

  1. Casser une corde au tennis pour un joueur moyen, c’est vrai que ca n’arrive pas souvent mais c’est un des rares moments où tu te sens un point commun avec les top players.
    Un peu comme le fait de râper ta semelle de ta chaussure les quelques fois où tu joues sur terre……😁

  2. Un peu comme le fait de taper la semelle de ta chaussure les quelques fois où tu joues sur terre……😁

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