En massacrant les murs de ma chambre, j’ai enfin compris le revers à une main !

Au sortir d’une défaite honorable quoiqu’un brin frustrante, j’ai enchaîné, sur un nouveau tournoi, par un match au scénario incroyablement asymétrique. Un match lors duquel j’ai enfin trouvé des sensations en revers, grâce à une préparation très particulière…

 

Niveau de compétition : 1er tour.
Classement adverse : 15/5 (ex 15/4)
Surface : Montagnes russes (émotionnelles)
Sensations : Un mélange de Wawrinka, Richard et Muster (le rapport ?)
Magnitude d’énervement sur l’échelle de Benoît Paire : 7/10 (paradoxalement).

 

Salut TDM !

Et avant de rentrer dans le vif du sujet, laisse-moi te conter cette tranche de vie. Je me trouvais l’autre jour chez moi en mode loque, un rhum-coca à la main, perdu dans mes pensées, à essayer de résoudre cette question existentielle qui me pourrit le cerveau depuis vingt ans : mais comment diable arriver enfin à mettre un revers lifté dans le court ? Quand soudain, ma petite princesse vint, de sa voix angélique, m’extirper sans prévenir de ma rêverie :

  • Papa, on fait un tennis?

L’instant d’après, nous voilà donc tous deux sur le terrain imaginaire de ma chambre, chacun sa mini-Babolat en mains, prêts à en découdre dans un duel père-fille sous haute tension. Sauf que la capacité de concentration de ma fille étant à peu près égale à ma capacité à garder mon calme sur un terrain de tennis, la partie était terminée au bout de 2 minutes essentiellement passées à ramasser la balle aux quatre coins de la pièce. Autant me rendre à l’évidence, je crois avoir définitivement raté ma vocation de père de championne. Ma fille ne gagnera jamais Roland-Garros. Il faudra trouver un autre moyen pour qu’elle me ramène un maximum de pognon.

Mais alors que ma puce, dotée en revanche d’une capacité fascinante à zapper les choses en un clignement de cil, était déjà passée à autre chose, il m’en fallait plus, de mon côté, pour assouvir la pulsion tennistique qui venait de monter en moi. J’ai alors fait ce que n’importe psychopathe aurait fait à ma place. J’ai pris la balle et la raquette et j’ai commencé à taper des balles sur les murs de la chambre. Normal, quoi. Thème du jour, tu t’en doutes : le revers. Et, tu t’en doutes aussi, impossible d’aligner correctement trois échanges sans que la balle ne finisse dans le décor. Niveau de contrôle : semblable au QI d’un gallinacé shooté au Tranxène. La légende dit que Stan Wawrinka, Richard Gasquet et Dominic Thiem auraient créé une Ligue du LOL en me voyant m’exercer aussi piteusement.

Me voilà donc replongé dans ma fameuse question existentielle… C’est alors que, pendant que ma fille est occupée à faire des couettes à sa poupée Dolly, j’ai l’idée de revisionner des vidéos de deux génies du web-enseignement. Deux vidéos que j’avais déjà vues, mais peut-être pas avec suffisamment d’attention ou de réflexion :

  • Première vidéo, celle-ci, mise en ligne par Team-Tennis.fr :

A 1’20, le gars explique comment positionner l’éminence hypothénar de la main sur le grip. Et là, soudain, je réalise qu’il la positionne de telle manière que la prise est beaucoup plus fermée que celle que j’avais adoptée jusqu’alors. Je comprends aussi l’importance de la poussée de cette éminence hypothénar à la frappe.

Ce qui m’amène ainsi à mieux comprendre la deuxième vidéo, une vidéo totalement atypique mais ultra-pédagogique signée de l’excellentissime Blog Tennis Concept :

Je n’avais pas bien saisi, auparavant, l’histoire du poignet « retourné » pour pousser la voiture. Probablement parce que, justement, je n’avais pas la bonne prise de base.

Une fois ce détail réglé, tout s’est soudainement imbriqué. Je saisis à nouveau la mini-raquette et là, ô miracle ! Aucun problème pour tenir la balle contre le mur. Elle reste bien dans les cordes de la raquette et mon poignet, mieux verrouillé, ne tremble plus. Je comprends et je ressens la nécessité de « pousser » la balle pour la faire avancer dans la direction souhaitée. Transcendé par cette magnifique sensation de liberté, j’enchaîne les gammes pendant près d’1h contre le mur que je salis allègrement, mais joyeusement, contraint en revanche de mettre un dessin animé à ma fille pour qu’elle attende sans rechigner son père en pleine inspiration créatrice. Voilà qui me vaudra un joli sermon le soir venu. Mais tant pis : enfin, je sens mon revers !

 

Merde, j’ai oublié mon coup droit !

 

Ça tombe bien, à deux jours d’attaquer un nouveau tournoi. J’ai hâte évidemment de tester tout ça en « vrai » mais, n’ayant pas l’occasion de planifier un entraînement préalable, je prends soin le jour du match d’arriver un bon quart d’heure à l’avance. Ce que je fais alors, « je vous le donne Emile », je sors ma raquette et commence à taper contre la paroi vitrée de la salle. Eminence hypothénar bien positionnée, prise bien fermée, poignet bien verrouillé. Les sensations sont toujours nickel.

Reste évidemment le plus grand test à passer. Le stress du match. Jusqu’à présent, mon revers n’était pas armé pour tenir le choc. Mais là, j’ai bon espoir. On commence à s’échauffer et, de fait, le miracle tient toujours. La première balle qui parvient sur mon revers, traditionnellement destinée à repartir tout droit sur la pancarte de la charcuterie Morin, reste dans le court. Bon, d’accord, ça n’est pas un revers federesque. Mais c’est un revers globalement assez bien senti. Je retiens un hurlement de joie et passe le reste de l’échauffement à ne faire quasiment que des revers, tout en me regardant bien le nombril à la frappe, fier comme un bar-tabac.

Le match commence et… Merde, dans mon hystérie intérieure, j’ai oublié un léger détail : me régler en coup droit. Bah oui, car on en frappe quand même un certain nombre pendant un match de tennis. Or, le mien est aux abonnés absents aujourd’hui. Ce putain de sport a ceci d’horripilant qu’il est impossible de sentir tous les aspects du jeu en même temps. Du coup, je me sens désorienté en ce début de partie : d’un côté, j’ai envie de ne taper que sur mon revers, qui a l’air de tenir le coup y compris quand on commence à compter les points. De l’autre, il reste quand même très fébrile – impossible de le croiser correctement – et ce n’est certainement pas avec lui que je vais me mettre soudainement à gagner un match, faut pas déconner quand même ! La raison voudrait que je le chope davantage, comme au bon vieux temps, mais je n’en ai vraiment pas l’envie, je brûle plutôt d’impatience d’exhiber mon « nouveau » revers, comme on s’exhibe au bras d’une belle femme (#liguedulol). En gros, j’éprouve moins la « gnaque » de la victoire que d’habitude. En plus, je l’ai dit, impossible de m’appuyer sur mon coup droit aujourd’hui. Bref, mes schémas de jeu habituels sont complètement déphasés. Il n’en faut pas plus pour me laisser gagner par une grande nervosité.

 

Thomas Muster appelé dans mon cerveau

 

Résultat des courses, mon adversaire, un mec hyper sympa – assez rare pour être souligné – doté lui-même d’un revers à une main très propre (mais pas très dangereux), se détache 4-0 en moins d’un quart d’heure. C’est le moment ou jamais de pousser un bon gros hurlement primaire, qui va avoir le mérite de me sortir de ma torpeur et, visiblement, de perturber mon adversaire, dont j’ai bien sûr décelé qu’il est décidément beaucoup trop sympa pour être un tueur.  Ça ne rate pas : le gars me fait don des trois jeux suivants, ce qui me permet de revenir à 4-3.

Il y a clairement du mieux de mon côté, notamment côté coup droit où j’ai foutu à la poubelle la visualisation du geste de Mladenovic pour ressortir un bon vieux classique : Rafael Nadal, avec quelques touches de Thomas Muster pour le gros lift côté revers. Mais c’est sans doute trop tard quand même pour ce 1er set, alors que mon adversaire se détache 5-3, 40-0, tandis que je m’adresse une flopée d’injures à faire pâlir de jalousie le capitaine Haddock. Je me souviens bien de la première balle de set, que je sauve d’une volée haute de coup droit hardie (pas Jérémy, hein) qui serait à coup sûr partie tout droit en tribunes s’il s’était agi d’un point ultra-chaud, genre 4-4, 40-40 au 3è set. Mais là, avec le relâchement du désespoir, elle s’avère gagnante. Mon adversaire me félicite, probablement pas encore au courant qu’il va m’offrir sur un plateau les deux balles de set suivantes, puis le jeu du débreak qui va avec. 5-4, puis 5-5. Le voilà qui se lance à son tour dans un hurlement de loup garou. Je jubile.

Je réalise néanmoins un étrange phénomène. Ce match est, pour l’heure, le copié-collé parfait de ma défaite précédente (à relire ici).  Pas dans les sensations, mais dans le déroulement du score. Cela fait deux fois d’affilée que j’attaque un match par quatre jeux de retard à cause d’une grande nervosité, et je me dis que ce serait bien à l’avenir de me pencher sur ce problème. En attendant, je fais la seule chose qu’il m’est possible de faire à ce moment-là : je prends acte du Gloubi-bloulga émotionnel dont je suis actuellement victime en match, et tente de le comprendre. Tout en me promettant de tout faire pour ne pas gâcher ma belle « remontada » en 3 minutes, comme j’ai fait la dernière fois.

Dans cette entreprise, je vais être aidé par deux choses : la première, c’est que mon adversaire, bien que d’un niveau honorable, n’est pas aussi bon que le précédent, et son jeu moins percutant me laisse plus de temps pour m’organiser ; la deuxième, c’est une bande du filet indécente réussie sur ce jeu crucial de 5-5, à 40-40 qui plus est, sur une volée de coup droit acrobatique qui avait suivi une montée au filet tout à fait aléatoire. Une volée absolument affreuse, indigne des légendes australiennes des années 60. Mais une volée gagnante, grâce à…

Là, mon adversaire prend un gros coup sur la casquette. Il lâche ce jeu, ce set, puis les deux premiers jeux du 2è set en se mettant à accumuler les fautes. Alors que moi, je ne suis pas loin de jouer désormais le meilleur tennis de ma vie, m’autorisant même deux ou trois accélérations de revers qui ne seront pas gagnantes, bien sûr – restons sérieux – mais révélatrices tout de même du relâchement qui m’envahit. J’ai l’impression que plus rien ne peux m’atteindre. D’autant que je viens encore de bénéficier d’une aide providentielle de la bande du filet pour effacer une balle de 2-1. Mon adversaire esquisse un sourire frustré, mais bienveillant. Heureusement qu’il est de bonne composition. Moi, à sa place, j’aurais déjà bouffé le filet et les poteaux avec, avant de faire un feu de bois avec la chaise d’arbitre.

Porté par ce sentiment d’invulnérabilité, je me détache 5-0, 40-15. En clair, je déroule, cigare aux lèvres, coude à la portière. Mais alors que je suis en train de réfléchir à la manière dont je vais conclure mon affaire – et si je tentais un revers sauté, à la Dimitrov ? -, je suis à nouveau pris par une drôle d’angoisse. En plein échange, je réalise que, quand même, mon adversaire a bien resserré la vis et ne semble plus enclin à me faire don du match. Sur cette pensée, forcément, mon revers sauté fantasmé se transforme en petite éponge humide mollement balancée dans le filet. La deuxième balle de match est manquée de manière tout aussi exécrable. Cette fois, je ne peux que clairement admettre l’horrible réalité. Je mouille. Alors que je mène 1 set, 5-0, je suis saisi par un indicible sentiment d’insécurité qui laisse présager de terribles difficultés encore à venir. Egalité, donc. A dessein de couper court à cette petite crise de Parkinson, je décide d’écourter l’échange. Je suis récompensé sur le premier point par une volée de revers gagnante qui m’offre une troisième balle de match. Que je rate d’une autre montée cette fois bien trop timide, logiquement sanctionnée par un passing autoritaire. Derrière, je queute deux abominables coups droits. 5-1. Je le sais, je le sens. J’ai pas le cul sorti des ronces…

 

Deux balles de match, deux service-volée. Mauvaise idée…

 

En plus, un truc supplémentaire vient me perturber. La salle est réservée pour un autre match à midi. Or, il est 11h45 et l’un des deux protagonistes vient d’arriver. Et plutôt que d’aller sagement s’échauffer dans son coin, le mec a décidé de me faire chier en observant ma déliquescence depuis le bord du terrain, d’un œil goguenard. 5-2, 5-3. Je ne rentre plus rien. Et l’autre con qui ne fait plus une faute ! Voilà qu’il m’apparait d’un coup tout à fait antipathique.

A 5-3, je me dis très clairement que ce match, il ne me le donnera pas, il faudra aller le chercher. J’opte donc pour l’attaque à tout crin. Ça paye. 40-15. Deux nouvelles balles de match. Je serre un poing rageur et me dis qu’il faut encore appuyer un peu plus fort. Ce sera service-volée. Cette décision pourrait paraître couillue mais en réalité, c’est l’inverse : je la prends parce que je me sens de plus en plus fébrile du fond. Allez, ma spéciale sur la première balle de match : service bien slicé de coup droit, et en avant Guingamp ! Ouais, sauf que Guingamp n’est pas la chèvre de la Ligue 1 pour rien. Je suis cueilli par un retour de coup droit percutant et ne peux qu’effleurer la balle. Allez, tendons l’autre joue pour la cinquième balle de match. Service « scklifté » sur le revers. Cette fois, son retour est jouable. Ma première volée de coup droit, long de ligne, n’est pas si mauvaise. Mais il réplique par un excellent passing de revers croisé. Je m’étire, tente une volée amortie de revers. Too bad. Celle-ci échoue dans le filet. Un peu court, jeune homme.

Je reste d’un calme olympien et décide d’arrêter le massacre. Restons plutôt au fond de court. Tu n’as rien d’un Pat Rafter, tu n’es qu’un bon gros rameur de merde, n’oublie jamais ton identité profonde de jeu, comme ils disent. Je laisse donc à mon adversaire le soin de prendre l’initiative, ce qu’il fait parfaitement. Amortie de coup droit, volée de coup droit gagnante. Cette fois, j’explose et me lance dans une interminable jérémiade, hurlant aux quatre vents que (sic) « ce match est un cauchemar, (que) je mets plus une balle dans le court, (que) j’reverrai plus Pépette et (que) c’est vraiment trop inzuste !! ». Peut-être. Mais ça fait 5-4.

 

Le coup de pute ultime

 

Me reste alors un dernier truc à tenter. Un vrai coup de vice. Tout autant pour dédramatiser la situation que pour sortir mon adversaire du rail sur lequel il est lancé, je lui lance dans un sourire, au moment de me lever de ma chaise : « bon, et bien on n’est pas couché, je crois ». Ce à quoi il réplique, en se marrant : « Oui, vraiment étrange, ce match ! ». J’esquisse un petit rictus intérieur. Je pense que je viens de marquer un point.

Au moment d’attaquer le jeu suivant, j’ai ainsi réussi à évacuer le cataclysme tennistique que je traverse depuis quatre jeux. En fait , mon esprit est désormais concentré sur une problématique : je me dis que si je perds ce jeu, les deux mecs censés jouer après nous, qui désormais piaffent d’impatience, derrière la porte vitrée, à nous voir en découdre dans ce pathétique combat des nerfs, peuvent ranger leur raquette et rentrer chez eux bouffer une raclette. Car si mon adversaire revient à 5-5, à mon avis, on en a encore pour une bonne heure et demie, minimum. Cette pensée lancinante suffit à chasser les éventuels parasites qui pourraient m’assaillir, surtout quand, à 40-30, mon adversaire s’octroie précisément une balle de 5-5. Je la joue sans réaliser la gravité de la situation, contrairement à lui qui la manque d’un piteux coup droit dans le filet, sa première faute directe depuis l’extinction des dinosaures, ai-je l’impression. C’est alors qu’une nouvelle faute me permet d’obtenir une sixième balle de match.

Mais que faire, cette fois ? Précédemment, j’ai tenté d’aller chercher le match, ça n’a pas marché. J’ai tenté d’attendre la faute, ça n’a pas marché non plus. Alors que faire ? J’ai tellement envie de gagner ce putain de match, qui, je le sens, me ferait tellement de bien… Je décide de ne rien décider et de me laisser porter par le vent. Tiens, une balle courte sur mon coup droit… Qu’est-ce qu’on fait, on y va ou pas ? Plouf, plouf… Allez, on y va. Mon attaque est médiocre, bien entendu. Mais j’ai le mérite (ou la chance) d’être présent malgré tout au bon endroit au bon moment pour cueillir un passing qui passait par là. Ma volée de coup droit est correcte, bien profonde, récoltant en retour un lob à mi-court tout à fait jouable. Smash, donc. Pénalty, quoi. J’ai l’impression que ma vie se joue là. Je le frappe en fermant les yeux. Par bonheur, il s’écrase dans le court, parfaitement décroisé, imparable (en réalité, je voulais le jouer de l’autre côté mais ça, faut pas le dire…). Je hurle un « yeeess !!! » de soulagement aussi spontané que, j’en conviens, parfaitement ridicule. Je m’en sors à l’arraché et j’ai le sentiment que cette victoire peut être fondatrice de quelque chose de plus beau. La preuve, en rentrant chez moi, un pot et un rouleau de peinture m’attendent à la maison. Je n’ai plus qu’à repeindre les murs de ma chambre…

Résultat : Victoire 7/5, 6/4

 

A relire cet article qui, je suis bien placé pour le dire maintenant, rétablit toute la vérité sur le revers à une main :

Ces fausses idées que l’on se fait du revers à une main

 

 

 

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