Comment faire fissurer un p’tit jeune en 10 leçons

Tu t’apprêtes à jouer contre un p’tit agnelet mieux classé que toi et tu ne veux surtout pas laisser passer cette occasion en or de réussir LA perf’ de ton début de saison ? Voici 10 astuces pour arriver à tes fins. Succès garanti à 100% ! Testé et validé par mes soins à deux reprises cette saison.

1/ Exploite à fond ton côté vintage

Si tu sais à l’avance que tu vas jouer un p’tit jeune, ne va surtout pas le chercher sur son terrain vestimentaire, tu risquerais de te ridiculiser et donc de te décrédibiliser. Donc laisse tomber le marcel de Rafa et le bandeau de Roger, va chercher plutôt, des tréfonds de ton placard, des fringues bien has-been, genre le maillot fluo d’Agassi ou la veste Mizuno d’Ivan Lendl (évite en revanche une fripe revenue à la mode, comme le polo Fila de Borg). Le tout assortis bien sûr d’un short ras-du-cul ainsi que des bonnes vieilles chaussettes à bandes noires et rouges, remontées jusqu’à mi-mollet. Si tu as une vieille Pro Kennex grand tamis, ou une Rossignol avec pont inversé, c’est canon ! Là tu vas avoir l’air, devant ton jeune blanc-bec d’adversaire, d’un extraterrestre tout droit sorti d’un monde qu’il ne connaît pas. Note bien son air ahuri. Tu viens de marquer un point psychologique…

 

2/ Mets le jeune sous influence dès le club-house

Pour cela, deux techniques possibles, radicalement opposées mais tout aussi efficaces : soit tu fais le gros connard, soit tu fais le mec très (trop) sympa ! Dans le premier cas, sors le grand jeu : poignée de main distante, un bonjour à peine marmonné puis tu dégoises plus un mot jusqu’à l’entrée sur le court. Tout en tirant une tronche du mec qui a l’air aussi heureux d’être là que s’il partait assister à un concert de 4h de harpes chinoises (avec sa belle-mère), tu procèderas ostensiblement à des étirements soignés devant le terrain où se joue le match qui précède le tien, poussant des soupirs d’exaspération à la vue dudit match qui n’en finit plus. Dans le deuxième cas, tu soigneras particulièrement ton arrivée au club-house, pleine de jovialité, puis tu fondras le plus vite possible sur ta proie pour la saouler sous un flot ininterrompu de paroles. Peu importe ce que tu lui racontes, l’essentiel est que tu sois suffisamment souriant et sympa pour qu’il n’ose pas t’envoyer paître. Dans les deux cas, tu l’auras compris : tout est faux, tout est mis en scène. L’unique but est de lui faire perdre de l’influx.

 

3/ Fais-le briller exagérément à l’échauffement

Tu as réussi la phase de mise sous influence, il s’agit maintenant, une fois arrivé sur court, de maintenir le p’tit jeune dans cet état quasi-hypnotique jusqu’au début des hostilités. A ce stade, il ne doit pas sentir venir le danger. Tu vas donc t’efforcer de le placer dans sa zone de confort en lui distillant à l’échauffement – autant que tu le peux – des balles faciles à jouer, à plat, en rythme, très, très loin de la cochonnaille de tennis que tu lui proposeras dans quelques minutes. Avec son tennis d’école, le teenager devrait dérouler pendant ces 5 minutes. Accentue l’illusion en le félicitant avec emphase sur ses plus belles frappes. Si t’es chaud, rajoutes-en des tonnes avec par exemple cette petite phrase toujours très efficace : « Il est injouable, ça va être dur pour moi aujourd’hui ! » Cependant que le pré-pubère se pourlèchera les babines, tu riras sous cape : ces balles sur lesquelles il se régale, il n’en verra plus une jusqu’à la fin du match ! Il s’est réglé, certes, mais sur la mauvaise longueur d’onde. Sa confiance ressemble à celle du petit chaperon rouge qui se balade avec naïveté dans la forêt. Elle se base sur du vent, il ne va pas tarder à se faire croquer…

 

4/ Change radicalement de visage dès le premier point

Avant d’attaquer le match, prends-toi quelques secondes d’introspection durant lesquelles tu vas changer de masque et revêtir ton vrai visage, celui de vieux schnoque de vétéran prêt à tout pour payer sa perf. Dès le premier point, changement radical de décor ! Fini les baballes gentilles de l’échauffement, sors direct la machine à cisailler en revers et à gratter en coup droit. Pousse tout de suite des petits rugissement rauques à chaque frappe pour accentuer ta mise en mode combat. Gagne-les ou perd-les, mais soigne particulièrement ces premiers points, ce sont eux qui vont donner le ton. Crois-moi, le jeune blanc-bec qui te fait face va se sentir décontenancé par ce brutal changement d’attitude. Si tu as bien procédé aux trois premières phases, il n’est lui, à ce stade, pas du tout prêt au combat. Normalement, c’est trois jeux d’entrée dans ta besace.

 

5/ Conteste une balle le plus rapidement possible

Alors ça, c’est clairement une méthode d’enculé. Mais bon, tu la veux ta perf, oui ou non ? Par nature, le jeune n’est pas (trop) tricheur, il n’a pas encore l’esprit vicié par des années de baroudage dans ce monde de requins d’élevage qu’est le tennis amateur. Alors, à la moindre balle litigieuse qu’il t’annonce faute, a priori en toute bonne foi, n’hésite pas : avance d’un pas décidé vers le filet et vient scruter la marque imaginaire d’un air circonspect. L’envie te prendra sans doute (par réflexe) de crier « challenge », mais contente-toi d’un plus orthodoxe : « t’es sûr ? », destiné bien sûr à déstabiliser l’impudent qui n’a pas encore un esprit narcissique suffisamment développé pour résister à une telle charge de pression. Le but, tu l’auras compris, n’est pas tant de remettre ce point dont tu te fiches un peu (surtout que oui, la balle était bien faute…), mais clairement de faire douter le jeunot sur sa capacité à juger les lignes, tout en lui rappelant que non, rien de rien, non, tu ne lâcheras rien aujourd’hui. Et hop, deux jeux de plus dans la musette…

 

6/ JAMAIS plus de cinq revers liftés par jeu

Bon là c’est la base, hein, je t’apprends rien. De toute façon, je suis pas persuadé que tu aurais fini sur ce blog si tu avais le revers lifté de Richard Gasquet. Le jeune, c’est bien connu, aime bourriner en cadence et pour ainsi dire, il ne sait faire que ça. Sa technique, très académique, est une mécanique parfaitement huilée pour faire illusion à l’échauffement mais qui a l’inconvénient majeur de se gripper au moindre grain de sable. La tactique contre lui, tout le monde le sait, est donc le cassage de rythme à outrance (Ndlr : visualiser le « cassééé » de Brice de Nice). Oublie le beau jeu, tu n’as aucun intérêt à jouer à ça avec lui. Sors plutôt la machine à cisailler la rondelle, à couper le jambon, à râper le fromage, à tailler la haie, bref à choper dans tous les sens. Certes, ce n’est pas beau mais même si ton slice est aussi rasant que la détente gracile d’un hippopotame bourré, peu t’importe : ton adversaire s’y emplafonnera dessus avec une régularité qui forcera presque le respect, incapable de trouver la notice de cet effet sorti d’un monde qu’il n’a pas connu. Cette vision désopilante, et les deux ou trois jeux supplémentaires qu’elle te rapportera, suffira à te faire oublier le déshonneur qu’il y à pratiquer une bouillie tennistique pareille pour arriver à ses fins.

 

7/ Déplace-le de préférence d’avant en arrière

Le jeune, incontestablement, a une meilleure condition physique que toi. Il court plus vite et plus longtemps. Mais, en vieux briscard, j’ai remarqué qu’il courait mal, aussi. A l’image de son tennis, tant que tu ne places pas d’embûches dans sa course, il va dérouler facile. Si tu le déplaces latéralement dans l’échange, essuie-glace pépère, des gammes classiques long de ligne/croisé, il va se régaler, y compris si tu essaies de glisser quelques contre-pieds que tu penses judicieux mais qui ne mettront en réalité en lumière que ta lenteur d’exécution ainsi que sa vitesse de réaction et la plasticité écœurante de ses articulations (p’tit con, va !). En revanche, si tu corses l’équation avec des déplacements verticaux, d’avant en arrière, plus compliqués à gérer (car faisant appel à des techniques de déplacement là encore réservées aux vieux cons, genre le pas chassé ou le pas de recul), tu vas voir le puceau s’emmêler les pinceaux. Surtout que qui dit déplacement en avant dit souvent volée, un coup qu’il ne travaille qu’aux fléchettes. Et qui dit déplacement en arrière dit balles hautes, le cauchemar de tout niard. Gnak, gnak. Un set, un break pour toi…

 

8/ Tchatche lui sans cesse

Extrait de la page youtube Blog Tennis Concept.

Si tu t’en sens capable, c’est un précepte indispensable à retenir ici pour un fissurage assuré. Le jeune prend ses matches de tennis beaucoup trop au sérieux (alors que toi, non…) pour accepter de transformer le terrain en salon de thé. A la limite, comme tout le monde, il peut se montrer très convivial quand il gagne mais quand il commence à perdre, ce qui est obligatoire si tu lis bien cet article, il se montrera aussi ouvert à la discussion avec toi qu’avec son père lorsque celui-ci a voulu lui expliquer comment on fait les bébés alors qu’il sortait juste d’un gang-bang au sous-sol avec ses potes. Surtout qu’en l’occurrence, il est possible qu’il te prenne pour un croûton comme son père. Eh bien, tu vas jouer sur cette corde sensible en lui taillant la bavette aussi souvent que possible, particulièrement au changement de côté où tu ne le lâcheras pas. Et surtout, TRES important : tu alterneras sciemment les petites phrases anodines (« y’a du vent aujourd’hui, tu trouves pas que c’est chiant ? »), les compliments déguisés (« superbe ton amortie, mais si j’avais les jambes de mes 20 ans… »), les réflexions désagréables (« tu peux arrêter de lever le doigt en même temps que tu annonces les balles fautes, s’il te plaît ? ») et les conseils franchement insupportables (« il est un peu suspect ton service, tu devrais changer de prise. »). Respecte bien ce rythme : une phrase sympa pour deux persiflages. C’est une technique imparable directement inspirée de celle du pervers narcissique que je suis incontestablement (sur un terrain de tennis) : une caresse, deux baffes… Le jeune y perdra définitivement toute confiance en lui.

 

9/ Sois le plus lent possible entre les points

Le jeune est par nature un être pressé, incapable de se focaliser durablement sur ce qu’il fait, particulièrement en cette époque hyperconnectée qui pousse son esprit à se mettre toujours plus en mode « zapping » (c’était l’instant « vieux con » du jour). Au tennis, cela se matérialise par une gestion du match des plus aléatoires et très souvent par une envie d’en finir au plus vite. Là est ta chance. Pour contrecarrer ses plans (autrement dit, pour le faire chier), adopte ce que ce grand sage d’Ivan Lendl, mon idole d’enfance, mon maître absolu (avec Benoît Paire), appelait la stratégie de la tortue. Face à un autre adulte, cette stratégie ne doit s’appliquer que quand on perd. Contre un jeune, elle doit s’appliquer tout le temps, quel que soit le score. Elle consiste et a pour but, là encore, de tout faire pour casser son rythme. Alors là, tout est bon pour le faire attendre. La serviette que tu vas chercher avec la promptitude d’un gastéropode en pleine gastro, la balle qui comme par hasard se coince derrière le grillage, le coup du lacet savamment orchestré… Bref, dépasse toujours allègrement les 25 secondes imparties et tu ne tarderas pas à voir fleurir les premiers soupirs d’exaspération sur la bobine boutonneuse de ta victime. Qui, dans sa précipitation, t’offriras des brassées entières de points gratuits supplémentaires. La victoire est proche.

 

10/ Lâche des putains de Vamos !!

Entre deux ignominieux calculs stratégiques, il va bien arriver deux ou trois fois dans le match, quand même, ou tu vas sortir un joli point. A ce moment-là, n’hésite pas, laisse-toi aller à ce moment de pure jubilation orgasmique consistant à lâcher un putain de vamos à pleins poumons, quitte à effrayer le cheptel de vaches et de moutons qui te sert de public pour ce match de douzième zone. Non seulement c’est jouissif, mais surtout, en l’occurrence, ce cri bestial aura pour effet de finir pour de bon de déstabiliser le mouflet, évidemment pas armé pour répondre à ce véritable défi hormonal qu’il croira que tu lui lances. En fait de défi hormonal, que dalle, tu as surtout l’air d’un abruti mais n’oublie pas qu’à ce stade, le juvenceau est complètement sous ta coupe. D’ailleurs, au moment où on en cause, ça fait balle de match. Là, si tout se passe bien, il te fait une double ou un énième coup droit baduf. Ça y est, t’as claqué ta perf ! N’hésite pas : vamooooosss !!!!!

7 thoughts on “Comment faire fissurer un p’tit jeune en 10 leçons

    1. Ah ah oui j’avais vu cette vidéo. Magnifique démonstration de « cassage de rythme » et de déplacement avant-arrière !

  1. il y a aussi la technique de rappeler qu’on a été un ancien « bien mieux classé que lui »… pour certains ça marche du tonnerre… ça les tétanisent…

    1. C’est rigolo, en tant que vieux ancien jeune, j’ai connu les deux côtés. Je reconnais très bien les quelques vieux qui m’ont fait chier quand j’étais jeune ( bien joué Patrick, dommage, elle est kuste derrière, je peux t’appeler Patrick, hein ? Allez, 0/40 ). Tandis que ma mauvaise foi, mon amour propre et mon ego m’empêchent de reconnaître mon comportement parfois limite face à un ptit jeune…

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