Défaites, fissurages, blessures, conditions pourries… Quand les Interclubs virent au cauchemar

Pour la 1ère journée des Interclubs dimanche dernier, mon équipe et moi avons vécu à peu près tout ce que cette compétition magique peut réserver comme (mauvaises) surprises.

 

Niveau de compétition : 1ère journée de championnat Régionale 2.
Classements adverses : 15/2, 15/2, 15/3, 15/3.
Surface : Papier ponce abrasif puis galerie des glaces.
Sensations : Excellentes (à l’échauffement).
Magnitude d’énervement sur l’échelle de Benoît Paire : 6/10.

 

Salut à tous !

Comme environ 500 000 d’entre nous en France, je me trouvais la semaine dernière dans un état d’excitation avancé, à mesure qu’approchait l’échéance la plus attendue de l’année : le début des Championnats par équipes. Contrairement à l’an passé où j’avais joué les trolls de service, cette fois, j’avais pris mes dispositions. Dimanche libre. Femme préparée psychologiquement. Coéquipiers désormais familiers. Alcool stoppé pendant deux jours. Entraînement intensifié dans la dernière semaine, avec en prime la veille une séance de gainage sûrement parfaitement inutile mais néanmoins rassurante. Bref, j’étais au taquet.

 

Le jour J débute par une bonne nouvelle : je réalise qu’on joue dans le même club où j’ai réussi MA perf’ la saison dernière. Un blanc-bec classé 15/1, qui s’était en réalité auto-détruit face à mes techniques imparables pour faire fissurer un p’tit jeune. Peu importe. Je débarque au club-house en roulant des mécaniques. Mes coéquipiers sont tous déjà là, en train de discuter tactique. Nous sommes trois au même classement et il faut décider qui joue en quelle position. Nous voilà partis dans des considérations philosophiques sans fin, agrémentés de calculs d’apothicaire, pour tenter de définir la meilleure hiérarchie possible, selon l’état de forme de chacun, la tronche des adversaires, le sens du vent et notre horoscope du jour. Finalement, nous ne parvenons pas au consensus. On fait ça au chi-fou-mi.

C’est à ce moment que survient LA catastrophe. L’air penaud, le capitaine adversaire vient troubler en catimini notre brainstorming stratégique.

  • « Les gars, euh… On va jouer dehors. »
  • « Comment ça, on va jouer dehors ? Il fait 2 degrés, il y a un vent à décoiffer Geneviève de Fontenay et ils annoncent de la neige fondue en fin de matinée… »
  • « Ben ouais, mais les salles sont réservées à l’équipe 1. »

Là, les mecs, on est mal. On n’a pas encore fait un seul entraînement en extérieur. Cette semaine, on était resté volontairement en salle, vu les conditions qu’ils annonçaient. Dur. C’est à peu près comme si on décidait de jouer Roland sur gazon à la dernière minute. Face aux mines déconfites de mes potes, qui ne tireraient pas une tronche plus longue si le capitaine leur avait annoncé que le barbeuc du midi était remplacé par un brunch vegan arrosé de jus de betterave bio, je tente de dédramatiser :

  • « Allez relax les gars, ça nous fera une excuse pour mal jouer. »

 Mouais, on va dire ça.

 

10h : le premier « c’est pas du tennis !!! » retentit

 

Les deux premiers matches sont lancés. Notre n°4, un gaucher puissant, gentil mais dénué de toute confiance en lui, est opposé à un petit jeune. Malgré son revers à deux mains aussi aléatoire qu’un vol de papillon, il ne tardera pas à le faire fissurer en s’inspirant de mes techniques. Un véritable coupé-décalé tennistique. C’est hideux, mais ça gagne.

Sur le court attenant, mon autre coéquipier, un gars tout aussi sympa mais plus nerveux, doté d’un fonds de jeu plus élaboré mais néanmoins plus prévisible, est pour sa part aux prises à un rameur d’école. Il gagne le 1er set 6/0 en à peine 30 minutes mais je pressens néanmoins le danger. Le rameur dispose d’un poison qui se distille lentement, et sans doute n’a-t-il pas encore eu le temps, vu les conditions, de dégainer sa fiole venimeuse.

Quand il raccroche le wagon, au début du 2è set, une autre histoire commence. Dont je sens mal l’issue. A 4-1 contre lui, ça y est, mon pote, englué comme les pattes d’une mouche dans un autocollant, craque. Il est 10h du mat’ et le premier : « c’est pas du tennis !!!! » vrombit de sa bouche. Beaucoup d’autres suivront, plus ou moins discrets, jusqu’à son inéluctable défaite face à un mec qui a dû afficher un ratio de 3 points gagnants pour 3 fautes directes dans les deux derniers sets. Je compatis sincèrement.

 

Deux doubles plus tard…

 

Néanmoins, je n’ai pas vraiment le temps de me morfondre. Car j’ai dû entre-temps faire à mon tour mon entrée sur le court. Enfin, sur le court. Disons sur l’espèce de papier ponce abrasif qui leur sert de court. La balle n’avance pas. Et vu les conditions apocalyptiques, avec un vent plus tourbillonnant qu’une amortie rétro de Benoît Paire, je devrais instantanément réaliser qu’il faudra oublier le beau jeu aujourd’hui. Le « problème », c’est que j’ai de bonnes sensations.

Le premier point du match, d’ailleurs, m’incite à la débauche. Un rallye d’une quinzaine de coups que je conclus d’un passing de revers long de ligne « wawrinkesque » (ou du moins que je visualise comme tel). Je regarde autour de moi pour voir si, par hasard, des jolies filles passant par là auraient vu ce coup de fusil. Pas un rat. Deux doubles fautes plus tard, je me fais breaker d’entrée. C’est quoi, ce club de merde ?

 

Au jeu suivant, j’ai une balle pour revenir à 1-1, que je ne fais pas. Ça y est, je me tends comme une arbalète. Je suis dans la lignée de tous mes matches précédents : de bonnes sensations mais une tension exacerbée et des départs calamiteux. A 3-0, j’envisage le scénario cauchemar d’une roue de bicyclette. En plus, je commence à ressentir les stigmates d’une contracture au mollet que je traîne depuis quelques jours. Je vous jure que c’est vrai. Heureusement, mon adversaire me fait don du jeu suivant. A 4-1, je suis certes mal engagé mais paradoxalement un peu plus détendu. Je ne rentrerai pas en vélo.

Débute alors le meilleur passage de mon match. Enfin dans le combat, je « ahane » sur chaque frappe tel un galérien endiablé. A 4-2, 30-30, je refais le coup du passing de revers « warinkesque » long de ligne. A ce stade, je dois le confesser. Le passing long de ligne, c’est en réalité un non-choix tactique lié au fait que je ne maîtrise absolument pas la diagonale croisée. Mais bon, ça compte quand même. Je reviens à 4-4. Les mouches ont changé d’âne. Yes !

 

On est d’accord, ce jeu est hyper important. Je mène 30-15. Mon adversaire me sort alors une belle accélération de coup droit (il a le droit). A 30-30, je me vois à mon tour proposer une belle occasion d’accélérer mon coup droit. Mais le mien reste dans la bande. Voilà la différence entre un mental solide et un bulot. Sans même le regarder, je devine mon coéquipier se ratatiner sur sa chaise.  Si j’avais dû jouer un coup droit rigoureusement identique à 30/1, je suis persuadé qu’il serait resté dans le terrain. Là, je l’ai joué la peur au ventre, presque certain de sa funeste destinée. Et voilà le résultat.

C’est là que réside la subtilité du tennis, la dimension terriblement mentale de ce sport, invisible à l’œil nu. En tennis, on n’est jamais pleinement battu par l’adversaire. On l’est toujours aussi par soi-même, dans des proportions évidemment variables.

En l’occurrence, à 5-4 contre moi, le match est plié. J’essaierai pourtant, jusqu’au bout. Je fais de la résistance jusqu’à 2-2 dans le 2è set. Mais là, je lâche pour de bon, physiquement, mentalement, tennistiquement. Mon adversaire, dont je me dois de saluer la solidité, a bien compris – lui- qu’il ne sert à rien de briller. Il se contente de remettre la balle, sans considération esthétique. Je m’y emplafonne dessus de plus en plus régulièrement en coup droit, victime tout autant de mes tourments existentiels que des conditions déplorables.

La raison voudrait que j’entame le combat du fond de court. Mais je ne m’en sens pas la capacité physique, tout autant freiné par mon mollet souffreteux que lesté par mes kilos en trop, sur lesquels il va vraiment falloir, soi-dit en passant, que je me penche.

 

D’un coup, les fusibles de mon cerveau disjonctent

Mené 5-2, je perds pour de bon tout sens commun. La physionomie de la balle de double break est celle de trop. Je m’ouvre tout le court d’une attaque de coup droit décroisée. Je n’ai plus qu’à poser une volée haute de coup droit dans le court vide. Facile. L’équivalent du Level 2 de Candy Crush. Mais je néglige un poil cette volée, pas suffisamment appuyée. Là-dessus, une bourrasque de vent contraire se mêle au pire moment de ce qui ne la regarde pas, pour maintenir la balle à portée de mon adversaire lancé à pleine vapeur vers une quête désespérée. D’une pichenette, il réussit à me la remettre d’un lob que le même Dieu Eole décide cette fois de pousser hors de ma portée.

Tant de chatte réussite dans un même point a définitivement raison du combat mental intérieur que je mène depuis le début pour conserver une attitude noble. Les fusibles de mon cerveau disjonctent d’un coup. Je catapulte une balle dans le grillage avant de me lancer dans une diatribe peu honorable, décrétant que j’en ai « ras le cul de ce tennis de merde », que je ne mets « pas un coup droit dans le terrain », que c’est « un véritable cauchemar » et que je suis en train de faire « le pire match de ma vie ». Ce qui est faux, soi-dit en passant. Mais ça soulage.

 

Où sont les chèvres ?

Je me bats encore pourtant au jeu suivant pour effacer deux balles de match et obtenir une balle de 5-3. Mais rien à faire. Je ressens toujours une sorte d’étrange sentiment d’inconfort qui fait que les choses finissent toujours pas tourner contre moi. Défaite inéluctable, 6/4, 6/2.

C’est le troisième match consécutif que je perds peu ou prou sur ce score, en ayant le sentiment d’être en forme. Je pense avoir un début d’explication. Depuis mon passage au revers à une main, j’ai de meilleures sensations mais j’ai aussi perdu une forme d’identité. Le rapport de force entre mon coup droit et mon revers a changé, et je ne sais plus vraiment sur quel coup m’appuyer, quelle option tactique choisir. Bref, je suis un peu perdu. Le problème aussi est que, dans cette phase difficile, je n’affronte que des joueurs de mon niveau ou légèrement meilleurs. Clairement, je suis dans une phase où j’aurais besoin d’affronter des chèvres.

Sur ce, nous sommes menés 2-1. Heureusement, le n°1 de notre équipe est en train de provoquer un dégoupillage de légende chez son adversaire, un fier-à-bras boutonneux qui avait pourtant commencé la partie en frappant dans tous les sens, et qui la termine en chopant sur tout ce qui bouge, y compris en coup droit. Tétanisé à un point que c’en est hilarant.

Trois balles violemment projetées dans les champs de céréales voisins feront les ferais de ses nerfs en fin de match. Juste après la poignée de main, il rejoint sa chaise en vissant un casque de footballeur à ses oreilles, pour bien signifier à son vainqueur de ne surtout pas lui parler. Il enfile alors sa veste. Elle est floquée du logo du PSG. Ok, je comprends mieux…

Bon, nous voilà donc à 2-2. Double décisif. Qui est chaud, les gars ?

 

Notre n°1 est un pilier légitime. La victime du rameur, lui, s’en tient à sa décision  d’arrêter le tennis. Nous sommes donc deux prétendants à la sélection. Un brin présomptueux, ou complètement maso, je m’impose. Je ne veux pas rester sur ma défaite en simple.

Me voilà donc embringué pour ce double décisif, avec mon leader, face à nos adversaires de simple respectifs. En raison de la menace grandissante de pluie, nous enchaînons directement sans même attendre la pause déjeuner. C’est un peu bizarre d’attaquer un double à jeun. Mais ce qui est encore plus bizarre, c’est de devoir plier les voiles à la fin de l’échauffement, à cause du déluge qui se met à tomber.

Trempés jusqu’aux os, nous voilà contraints de nous réfugier dans une salle improbable où l’ambiance n’est pas du tout la même. Un parquet vitrifié hors d’âge où la balle prend 20 kilomètres/heures à chaque rebond. Bon. Après tout, les conditions sont les mêmes pour tous.

Sur le plan mental, en revanche, nous ne sommes pas tous égaux. C’est bien moi le plus tendu des quatre. Deux doubles dans mon premier jeu de service, et ça fait 2-0 pour les « zautres ».  Heureusement, mon partenaire, lui, tient le choc. Il me (nous) remet en selle.

On revient comme des balles. 5-3 pour nous, 30-40. Ça va le faire. A fond dans notre truc, comme si on jouait un double de finale de coupe Davis, nous nous checkons la main à chaque point, gagné ou perdu. En l’occurrence, celui-ci est perdu. Une balle de set joliment sauvée par la partie adverse. 40-40. De quoi, pardon ? Quel côté on choisit ? Putain, j’avais oublié cette histoire. En double, on joue en « no-ad ».

N’écoutant que mon courage, je propose à mon partenaire de prendre la responsabilité de relancer sur ce point capital. Sur une 2ème balle mollassonne, il propose un retour de revers chopé merdique qui finit sa course un bon mètre dehors. Putain, si c’était pour faire ça, j’aurais dû y aller ! J’hésite à l’insulter, mais je me retiens. A raison, je crois.

 

Bon, easy, ce smash. T’es sûr ?

 

Allez, c’est pas grave. 5-4 pour nous, on sert pour le set. Enfin, je sers pour le set, ce qui est différent. Ce qui me tombe dessus à ce moment là ? Je réalise toujours pas. Quatre points gagnants aussi superbes qu’inattendus. Eh oh, ils ont changé de joueurs ou quoi ?? Pour le coup, je n’ai même pas l’impression d’avoir défailli. Mais ça fait 5-5, et bientôt 6-6. Tie break. Money time. L’heure de voir qui en a dans le slip (lol).

Tout va aller très vite. A 3-2 pour eux, je tente de prendre les choses en main. Interception autoritaire à la volée. Suivi d’un smash rageur. Bob Bryan, sors de ce corps ! Ah merde, au moment où j’amorçais mon vamos, voilà la balle qui revient. Contrariant, ça. Bon, allez, easy, ce nouveau smash. Je suis à 2 m du filet. Mais quand même, je ne pensais pas voir cette balle revenir. Je n’ai pas eu le temps de bien me remettre sur mes appuis. Pas grave c’est easy, tu frappes les yeux fermés, ça va le faire. T’es sûr ? Mais ouais j’te dis, ça paassse !

Eh bah non. C’est pas passé. Smash lamentablement écrasé dans le filet. 4-2, au lieu de 3-3. Mon mental de coléoptère m’a rattrapé au pire moment. Mon partenaire me regarde d’un désabusé.

Il a la décence de ne faire aucune réflexion, mais son silence veut tout dire. Eh oh ça va, quoi, on en reparle de ton retour chopé pourri de tout à l’heure ?!! Bon, je tente de garder ma contenance et de remobiliser notre tandem. Peine perdue. Nous perdons ce tie break 7-4.

Au changement de côté, mon partenaire me signifie qu’il a le dos raide. Je ne m’inquiète pas. Ce matin, il m’avait expliqué s’être bloqué un nerf en portant sa fille, avant de me raconter qu’il avait picolé en famille jusqu’à 1h du mat’. Je l’avais simplement rangé dans la catégorie de ces mecs qui ont toujours besoin d’avoir un pet de travers avant de jouer.

Plus inquiétante me semble être notre situation sportive. On n’a plus le droit à l’erreur. Et avec ce putain de no-ad, on a l’impression de jouer en permanence avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Je sers. 1-1, 40-15. Normalement, à 40-15, tu peux te lâcher un peu. Mais là, je continue de me sentir oppressé. Je me dis qu’il faut absolument marquer ce point, car derrière, à 40-30, on sert à gauche sur l’un de nos deux adversaires qui a pris feu depuis une bonne quinzaine de minutes et nous crucifie en retour et en passing à chaque fois qu’on a l’idée saugrenue de toucher à son revers. Le mauvais film que je me fais dans ma tête va se réaliser au point près. 2-1, break. Mais quel est le super connard qui a inventé le no-ad ?

Au changement de côté, mon partenaire file aux vestiaires, pris d’une envie pressante. Une minute s’égrène, puis 5, puis 10… C’est long, 10 minutes à attendre seul sur une chaise. L’un de mes coéquipiers s’avise d’aller voir ce qui se passe. Il revient en tenant sous le bras une espèce de trompe-la-mort qui avance clopin-clopant. Bah mince alors, mon partenaire a pris 10 ans pendant sa pause pipi.

Il nous explique avoir été cueilli par une douleur foudroyante en tentant d’uriner. Diagnostic : infection urinaire. Impossible de continuer. Game Over. Voilà. J’ai perdu un double décisif sur abandon pour cause d’infection urinaire de mon partenaire. Je crois que je ne pouvais trouver meilleure chute à ce pavé. Interclubs de merde…

2 thoughts on “Défaites, fissurages, blessures, conditions pourries… Quand les Interclubs virent au cauchemar

  1. « aujourd’hui, j’ai déclaré forfait au tennis pour cause de blessure à la teub. VDM »
    « aujourd’hui, j’ai déclaré forfait au tennis, précisément parce qu’il y a neuf mois, je n’étais pas blessé à la teub ». Félicitations !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *